Il fallait s’y attendre : à chaque fois qu’une grande catastrophe arrive, il est courant d’entendre des gens, clercs et laïcs, imputer la catastrophe à Dieu : il serait en train de punir les pécheurs et/ou d’utiliser cette catastrophe pour pousser les gens à revenir à lui.
La pandémie du coronavirus n’est donc pas une exception. Mais cette fois-ci ce phénomène a pris une très grande ampleur, probablement à cause de l’universalité de la catastrophe, de sa longue durée, et bien entendu de l’utilisation à grande échelle des réseaux sociaux.
Avant de donner une réponse biblique à cette question, essayons de réfléchir un peu sur la conséquence de ce genre de réponses sur l’image que l’on se fait de Dieu. Est-ce que tous les malades qui sont touchés par le virus sont pécheurs ? Et ceux qui échappent au virus sont-ils tous saints ? Quel est ce Dieu qui punit arbitrairement des gens, bons et méchants, pour éduquer son peuple ? Et ceux qui meurent de ce virus alors qu’ils sont justes, sont-ils des dommages collatéraux comme on dit dans les guerres ? C’est quoi ce Dieu violent et de surcroît injuste ?
Il est vrai que dans l’Ancien Testament, beaucoup de prophètes ont imputé à Yahvé les grandes catastrophes que leur peuple subissait. Ils étaient conditionnés par la théologie de leur époque selon laquelle tout vient de Dieu. Mais au moins, ces prophètes prenaient la peine de dire aux Juifs qu’ils ont tous péchés : “Tous, ils sont adultères” dit le Dieu d’Osée (7,4). Ou encore celui d’Ézéchiel : “J’ai cherché parmi eux un homme qui relève la muraille, qui se tienne devant moi, sur la brèche, pour le bien du pays, afin que je ne le détruise pas : je ne l’ai pas trouvé” (22,30).
Heureusement que les choses ont changé avec l’incarnation du Fils. La révélation s’est accomplie avec lui : “Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé” (Jean 1,18). Contrairement au Baptiste, son prédécesseur, qui a vu l’intervention divine attendue comme “la colère qui vient” (Matthieu 3,7), Jésus commence sa mission en proclamant “l’Évangile de Dieu” (Marc 1,14), littéralement “la bonne nouvelle de Dieu”, la bonne nouvelle du pardon des péchés. Il suffit de voir son comportement avec les pécheurs. Non seulement il ne les a jamais condamnés (comme par exemple la femme adultère que les scribes et les pharisiens voulaient lapider, récit que nous rapporte Jean 8,4-11), il a même été au-devant d’eux. Ainsi interpella-t-il lui-même Zachée, un publicain en chef et donc considéré pécheur par le peuple, et s’invita-t-il dans sa maison (Luc 19,2-7). Il en fit de même avec Lévi, un autre collecteur d’impôts (Marc 2,14-17). Sa sollicitude envers les pécheurs a scandalisé ceux qui se croyaient justes : “Quoi ? Il mange avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ?” (Marc 2,16), disaient-ils.
Durant toute sa mission, Jésus a été “l’ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs” (Luc 7,34). Il a bien fait des menaces de jugement, mais elles étaient destinées aux soi-disant justes qui méprisaient leurs frères pécheurs. Je dis bien “frères” car, s’il y a bien une nouveauté théologique chez Jésus, c’est bien celle-ci : nous sommes tous frères, justes et pécheurs, car Dieu est tout simplement un Père, un Père qui aime tous ses enfants, bons et méchants (Matthieu 5,45), un Père qui laisse son Fils entre les mains de ses geôliers et qui ne les châtie même pas après.
Pourquoi cela ? Parce que comme nous le dit la première épître de Jean, “Dieu est amour” (1 Jean 4,8). Il n’est pas simplement aimant. Il est amour. Toute son activité est amour. Son être est amour. Et en tant qu’amour, il est incapable de violence.
Non, le Dieu de Jésus n’envoie pas de catastrophes pour punir son peuple ou pour l’éduquer. Il est temps d’arrêter de faire peur aux croyants et de donner des arguments aux athées !